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Botrytis cinerea

Le genre Colletotrichum

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Botrytis cinerea est responsable de la pourriture grise en viticulture, en horticulture et sur de nombreuses cultures maraichères importantes pour l'agriculture française. Cet agent pathogène est qualifié de nécrotrophe car l’infection s'accompagne d'une mort rapide des cellules hôtes. Les conidies germent à la surface de l’hôte et forment des structures d’infection qui permettent la pénétration de la cuticule et de la paroi végétale puis la colonisation rapide des tissus végétaux (pour une revue, Cf Hahn, Viaud & van Kan, 2014). Au cours de ce processus, B. cinerea sécrète plusieurs composés toxiques, dont les métabolites secondaires botrydial et acide botcinique qui contribuent à la mort des cellules hôtes (Dalmais et al., 2011).
Pour mener des approches de génomique fonctionnelle, l’équipe utilise classiquement les deux souches de référence (B05.10 et T4) dont les génomes ont été entièrement séquencés (Amselem et al., 2011 ; van Kan et al., 2017). De plus, l’équipe a récemment séquencé deux nouvelles souches, isolées sur tomate (Sl3) et vigne (Vv3) (Simon et al., 2022 ; voir ci-dessous). L’ensemble des ressources génomiques associées sont disponibles auprès du NCBI et sur notre portail web bioinfobioger. L'annotation des éléments transposables de B. cinerea est accessible depuis l'URGI.

 

Le genre Colletotrichum comprend plus de 190 espèces reconnues, dont beaucoup provoquent des anthracnoses dévastatrices sur les monocotylédones et les dicotylédones dans le monde (Crouch et al 2014), ainsi que sur certaines espèces endophytes (Hiruma et al 2016, Hacquard et al 2016). C. higginsianum cause des pertes économiques majeures sur de nombreuses Brassicaceae cultivées mais infecte également Arabidopsis thaliana, fournissant un modèle de pathosystème dans lequel les deux partenaires peuvent être manipulés génétiquement. Comme la plupart des membres du genre, C. higginsianum est un hémibiotrophe, avec une phase biotrophique initiale sans symptômes lorsque le champignon se développe à l'intérieur de cellules végétales vivantes, suivie d'une phase nécrotrophique destructive lorsqu'il tue les cellules hôtes en amont de l'infection. Les spores germent à la surface de la plante pour produire une cellule pigmentée foncée appelée appressorium, qui perce la cuticule et la paroi cellulaire de la plante en combinant la force mécanique et les enzymes. Les hyphes bulbeuses biotrophes envahissent alors les cellules épidermiques vivantes entourées par la membrane plasmique de l'hôte.
Le séquençage du génome de la souche de référence IMI 349063 de C. higginsianum a permis un assemblage complet des douze chromosomes (Dallery et al., 2017). L'assemblage du génome et les annotations des gènes sont disponibles auprès du NCBI et sur notre portail web bioinfobioger. L'annotation des éléments transposables de C. higginsianum est accessible depuis l'URGI.

 

Quels métabolites secondaires (MS) fongiques sont produits pendant l'infection ?
Quelles sont leurs fonctions et leurs cibles végétales ?
Comment sont-ils régulés pendant le processus infectieux ?

Ces dernières années, les approches de génétique inverse nous ont permis de relier plusieurs clusters de gènes de biosynthèse du métabolisme secondaire à des MS spécifiques. Chez B. cinerea, nous avons caractérisé les clusters responsables de la synthèse de deux phytotoxines, à savoir le sesquiterpène botrydial (Porquier et al., 2016) et le polycétide acide  botcinique qui agissent tous deux comme facteurs de virulence chez B. cinerea (Dalmais et al., 2011, Porquier et al. 2019). Ces deux toxines ne sont pas exclusivement produites pendant l'infection de la plante et sont probablement aussi impliquées dans les interactions avec d'autres microorganismes (Collaboration avec F. Pieckenstain, Université de Chascomus, Argentine, Vignati et al. 2020). Chez C. higginsianum, nous avons montré que les MS pouvaient également être des effecteurs manipulant l’immunité de l’hôte. Ainsi, l’higginsianine B interfère avec la voie du jasmonate (Dallery et al., 2020).

Au-delà du petit nombre de MS isolés chez chaque espèce fongique, le séquençage des génomes a révélé qu'ils abritent un grand nombre et une grande diversité de clusters du MS. Environ 40 clusters ont pu être identifiés à partir du génome de B. cinerea (Collado and Viaud, 2016), tandis que 77 ont été identifiés dans le génome de C. higginsianum (Dallery et al. 2017). Des études transcriptomiques ont montré qu'une proportion significative des clusters de B. cinerea est induite lors du développement de la pourriture grise sur baies de raisin (Kelloniemi et al. 2015), et dans une moindre mesure lors du développement de la pourriture noble (collaboration avec S. Delrot, INRA, Bordeaux). De même, chez C. higginsianum, 14 des 77 clusters sont spécifiquement induits pendant la pénétration de l'hôte et la phase biotrophique de l'infection (Dallery et al 2017), ce qui suggère que le champignon produit une série de métabolites très tôt lorsque les cellules hôtes sont encore vivantes. Il est donc probable que ces molécules fongiques ne soient pas cytotoxiques et qu'elles fonctionnent plutôt comme des protéines effectrices qui manipulent l'hôte. Cependant, ces métabolites n'ont pas encore été caractérisés et leurs cibles végétales sont complètement inconnues.

L'un des objectifs principaux de l'équipe ECPP est donc de produire in vitro des MS fongiques normalement spécifiques de l'infection, afin d'étudier le mode d'action des molécules purifiées et d'identifier leurs cibles végétales. Une première approche s'appuie sur la connaissance des réseaux de régulation du métabolisme secondaire. Nous savons par exemple que les synthèses du botrydial et de l’acide botcinique sont régulées par des facteurs de transcription spécifiques (Porquier et al., 2016, 2019) ainsi que par des régulateurs globaux comme le complexe Velvet (Collaboration avec J. Schumacher, BAM, Berlin, Allemagne ; Schumacher et al. 2013; 2015). Nous étudions également le rôle du positionnement des nucléosomes (Collaboration avec I. Fudal, BIOGER et N. Ponts, MycSA, INRA, Bordeaux ; SPE Project Nucleosomes ; Clairet et al., 2021) et celui des modifications post-traductionnelles des histones dans l'expression des clusters. Nos résultats récents indiquent que la méthylation des histones joue un rôle dans la régulation de la production de SM chez C. higginsianum (Dallery et al., 2019) et B. cinerea.

La dérégulation du métabolisme secondaire est utilisée dans le cadre du projet ANR 'HerbiFun’' pour rechercher des métabolites fongiques phytotoxiques qui pourraient donner lieu au développement de nouveaux herbicides. Ce projet est mené en collaboration avec les groupes de J. Ouazzani (ICSN, CNRS, Gif), O. Lespinet (I2BC, CNRS, Gif), O. André (De Sangosse biopesticide company) ainsi qu'avec MH Lebrun (EGIP, BIOGER). Les MS produits in vitro par des mutants sélectionnés sont actuellement extraits et purifiés par nos collaborateurs de l'ICSN et l'activité phytotoxique sur les plantes, cultures et adventices modèles est mesurée par De Sangosse. Le fractionnement bioguidé sera ensuite utilisé pour identifier les MS actifs, qui seront étudiés plus en détail pour déterminer leur structure chimique (ICSN). Alternativement à la dérégulation du métabolisme secondaire, nous développons actuellement une approche d’expression hétérologue pour produire in vitro les MS spécifiques de l’infection (Projet SPE Unchain ; Thèse SPS Aude Geistodt-Kiener). Enfin, nous contribuons à une initiative du réseau SPS visant à développer un ensemble de cribles biologiques pour identifier les activités de MS produits lors des interactions plante/microorganisme (Justine Rouffet, IE en CDD).

FociNuc-HerbiFun

-  Contacts: muriel.viaud@inrae.fr pour Botrytis, jean-felix.dallery@inrae.fr pour Colletotrichum

 

Analyse fonctionnelle des effecteurs protéiques sécrétés

Le génome de C. higginsianum code pour ~350 protéines effectrices putatives (ChECs) sécrétées pendant l'infection. En marquant 61 ChECs à la GFP pour l'expression transitoire dans Nicotiana benthamiana, nous avons observé que 16 d'entre elles avaient des localisations subcellulaires spécifiques (Robin et al. 2018). Pour moitié, elles ont été importées dans les noyaux végétaux, tandis que les autres ont été adressées dans des compartiments végétaux qui n'avaient jusque là pas été rapportées pour les effecteurs d'autres pathogènes filamenteux, à savoir les microtubules (3), Golgi (1) et peroxysomes (3). Le fait que de multiples ChEC convergent sur les peroxysomes et les microtubules suggère que la manipulation fongique des fonctions des plantes associées à ces structures pourrait être critique pour la pathogenèse de Colletotrichum et des travaux sont en cours pour élucider leurs fonctions et les cibles hôtes.
Deux autres effecteurs contenant des domaines de LysM se liant à la chitine, ChELP1 et ChELP2, s'accumulent à l'interface entre les hyphes biotrophes et la membrane plasmatique végétale (Takahara et al. 2016). Les deux protéines se lient à la chitine de la paroi cellulaire fongique avec une affinité et une spécificité élevées et suppriment l'activation déclenchée par la chitine des kinases MAP liées à la défense dans Arabidopsis. En silençant les gènes, nous avons montré que ces effecteurs sont nécessaires à la virulence fongique et qu'ils jouent un double rôle dans la fonction de l'appressorium et la suppression de la défense de l'hôte.

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-  Contact: richard.oconnell@inrae.fr

 

Les vésicules extracellulaires : quels sont leurs rôles dans la communication plante-fongique bidirectionnelle ?

Le projet 'Exosomes' (2018-2021) financé par ERA-CAPS est mené en collaboration avec Roger Innes (coordinateur, Indiana University, USA), Blake Meyers (Danforth Plant Science Center, USA) et Hans Thordal-Christensen (University of Copenhagen, Danemark). Les exosomes sont de petites vésicules extracellulaires (VE) sécrétées par les cellules par la fusion des corps multivésiculaires avec la membrane plasmique. Bien qu'ils soient impliqués dans le transport intercellulaire des ARNr et des protéines chez les animaux, on en sait peu sur les fonctions des VE chez les plantes ou les champignons. En utilisant l'interaction C. higginsianum-A. thaliana comme modèle, le projet vise à déterminer si les VE d'origine végétale et fongique sont porteurs d'ARNr qui ciblent les gènes les uns des autres, comment les VE d'origine végétale et fongique sont produits et comment les végétaux et les champignons échangent leurs EVs. Nous analyserons les productions (protéines et ARNr) des EVs purifiées à partir de cultures de champignon et de plantes infectées. Pour étudier la biologie cellulaire de la biogénèse des VE dans Colletotrichum, nous utiliserons des approches de génétique inverse et des  protéines "marqueurs" étiquetées pour la microscopie électronique confocale et à transmission (Rutter et al., 2022).

vesicules-eracaps

-  Contact: richard.oconnell@inrae.fr

 

Comment les signaux hôtes qui régulent l'expression génique fongique sont-ils détectés et transduits ?

Le projet INRA SPE'IGgI PHOP' (R. Laugé, 2018-2020) vise à identifier les récepteurs fongiques impliqués dans la perception du ou des signaux hôtes, principalement chez B. cinerea. L'étude repose sur deux approches complémentaires. (i) Un crible génétique direct non biaisé qui permet la sélection de mutants de perception fongique spontanée sur des milieux de culture mimant les conditions in planta. Et (ii) une approche de génétique inverse dans laquelle des gènes candidats seront mutés. Ceux-ci seront choisis parmi les gènes eucaryotes inférieurs et supérieurs connus pour être impliqués dans la perception des signaux (perception du non-soi, de l'hôte, de l'agent pathogène ou environnementale). La fonction supposée des gènes dans la perception / transduction du signal sera ensuite validée par le remplacement ciblé des gènes, i.e. la vérification de la perte d'activation des gènes induits par les gènes induits in planta, et le phénotypage sur les plantes hôtes.
-  Contact: richard.lauge@inrae.fr

 

Quels sont les déterminants génétiques de la spécialisation partielle de l'hôte chez B. cinerea ?

B. cinerea est considéré comme un pathogène généraliste attaquant >500 genres végétaux, cependant des données récentes indiquent que la structure de la population est liée à la plante hôte (Walker et al. 2015). Dans le cadre d'un projet commun avec A.S. Walker (AMAR), P. Gladieux (BGPI, INRA, Montpellier), T. Giraud (ESE, CNRS, Orsay), et B. Poinssot (AgroEcologie, INRA Dijon), nous utilisons des approches génomiques des populations pour identifier les déterminants génomiques de la spécialisation partielle à l'hôte (projet BASC Daphné et projet SPE Paris-Match 2016-2018 ; Mercier et al., 2021).

Nos données indiquent que les populations françaises isolées de vigne ou de tomate correspondent à des groupes génétiques distincts spécialisés sur leur hôte d’origine. Des gènes portant des signatures de sélection positive et/ou divergente ont été identifiés comme des potentiels déterminants de cette spécialisation (Mercier et al., 2021). Plus récemment le séquençage PacBio de souches représentatives a révélé que les souches spécialisées sur vigne possèdent un minichromosome particulier ainsi que des rétrotransposons à l’origine de petits ARNs spécifiques (Simon et al., 2022). Le rôle de ces déterminants génétiques dans le processus infectieux est en cours d’étude dans le cadre du projet ANR PPR Vitae (Post-doctorat d’Antoine Porquier).

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-  Contacts: muriel.viaud@inrae.fr, anne-sophie.walker@inrae.fr

Date de modification : 31 octobre 2023 | Date de création : 05 novembre 2018 | Rédaction : Equipe ECCP