TS1. Climat

Changement climatique et agroécosystèmes : atténuation et adaptation

Raia Massad, aidée de Patricia Garnier

Contexte

Les agroécosystèmes actuels sont identifiés des deux côtés du spectre en ce qui concerne le changement climatique. Ils peuvent être une source ou un reservoir de gaz à effet de serre (GES) et donc un acteur clé dans l'atténuation. Ces mêmes écosystèmes sont aussi fortement affectés par les changements climatiques qui affectent leur production, leurs échanges de contaminants et de GES, leur efficacité à acquérir et à utiliser des ressources, ainsi que leur exposition aux nouvelles menaces biotiques. Cela amène, entre autres, les agriculteurs à adapter leurs pratiques de gestion pour assurer une efficacité et une durabilité suffisantes. Les pays concentrent de plus en plus leurs efforts sur la réduction nette des émissions de gaz à effet de serre provenant de l'agriculture, conditions indispensables pour atteindre les objectifs climatiques fixés par l'Accord de Paris sur les changements climatiques du cadre des Nations Unies. Cela inclut également des possibilités d'améliorer les stocks de carbone organique du sol (SOC), mais également d'atténuer les effets de modifications de l'albédo de surface, pour lesquelles une part substantielle des possibilités se produirait par le biais de modifications des systèmes de culture et de l'utilisation des terres. Il est donc essentiel de pouvoir quantifier tout le potentiel d'atténuation climatique des agro-écosystèmes associé aux stratégies d'adaptation tout en maintenant la productivité et en augmentant l'efficacité d'utilisation des ressources. L’un des défis actuels est de mieux prendre en compte les systèmes de culture dans la conception et l’évaluation des différentes stratégies d’atténuation et d’adaptation. Cela implique une meilleure connaissance du fonctionnement des plantes dans un environnement fluctuant et des processus biogéochimiques au sein des agro-écosystèmes, en mettant un accent particulier sur les sols et en évaluant les interactions entre processus et leurs rétroactions, qu'elles soient négatives ou positives.

Un investissement dans la recherche est nécessaire sur les processus qui régissent (i) la dynamique du carbone (C) et de l'azote (N) des sols et leur couplage dans les sols, (ii) la croissance, le fonctionnement et les échanges des plantes avec le sol et l'atmosphère en réponse aux conditions climatiques, y compris les aspects phytosanitaires.

Questions scientifiques et objectifs

Dans les années à venir, nous tenterons de mieux comprendre:

  • Comment les agro-écosystèmes contribuent aux émissions de gaz à effet de serre (CO2, N2O, CH4, O3), ainsi que les aérosols et leurs précurseurs (NH3, COV, NO, O3, HONO) ;
  • Comment différentes stratégies d'adaptation (pratiques agricoles, sélection des espèces) contribuent-elles à augmenter les stocks de COS et à réduire les émissions de GES en fonction des conditions environnementales ;
  • Comment une meilleure compréhension du fonctionnement des agro-écosystèmes, y compris la santé des végétaux, peut nous aider à atténuer les changements climatiques.

En relation avec ces objectifs, nous aborderons les questions scientifiques suivantes:

  • Quels sont les compromis entre le stockage du carbone, la réduction des émissions de gaz à effet de serre, la qualité de l'eau, la pollution atmosphérique et les autres services écosystémiques?
    • Comment différents stress abiotiques (contaminants, eau, température) et biotiques (épidémies et ravageurs) affectent-ils les émissions de GES, le stockage du carbone et les émissions de différents contaminants de l'air?
    • Quels sont les avantages du stockage du carbone dans les sols pour les propriétés des sols et les services écosystémiques?
  • Quel est l’effet des pratiques agroécologiques sur les émissions de GES et le stockage du carbone?
    • Comment la gestion des résidus de culture et le recyclage des biomasses organiques affecteront-ils le fonctionnement des sols?
    • Comment le microclimat des plantes affectera-t-il la santé des cultures?
    • Pouvons-nous trouver d'autres moyens de limiter les effets du changement climatique sur la production et la santé des cultures?
  • Comment pouvons-nous expliquer la complexité des processus biogéochimiques se déroulant à l'échelle des pores du sol pour les intégrer à des échelles spatiales supérieures telles que le profil du sol ou la parcelle?
    • Quelles sont les règles en matière de biodégradation de la matière organique du sol à un niveau d'organisation spatiale très réduit?
    • Est-il possible d’améliorer la connaissance du déterminisme de la dénitrification au niveau de la structure du sol, tout en tenant compte de l’accessibilité des nutriments aux microorganismes en fonction de la connectivité des pores du sol et de la relation au SOC?
  • Quel est le rôle du système racinaire de la plante sur le stockage du C et les émissions de GES?
    • Comment différents organes de la plante contribuent-ils au stockage du carbone sous différents stress abiotiques?
    • Quels sont le rôle et l'impact des dépôts rhizo (exsudation de racines, sénescence des racines)?

Insertion dans ECOSYS

Les différents équipes d'ECOSYS contribuent à ce thème structurant à la fois par la modélisation et par des actions expérimentales. Nous nous appuierons sur les différentes expertises expérimentales en matière de stockage de COS, de biogéochimie du sol en relation avec les conditions environnementales et les pratiques de gestion du stockage de COS et des émissions de GES, avec des expériences sur le terrain et des expériences en laboratoire, et des mesures par satellite ou par drone. Plusieurs expérimentations à long terme sont gérées et conduites par EcoSys, notamment la plate-forme SOERE-PRO, le dispositif expérimental «La Cage» ainsi que le site ICOS de Grignon (partie de l'infrastructure européenne dédiée à l'observation et au suivi à long terme des flux de GES). L’expertise et l’utilisation de la biogéochimie isotopique du carbone permettent d’identifier les sources, de quantifier la cinétique et de caractériser les processus, en particulier concernant les processus microbiens et la stabilisation à long terme de la matière organique. Différents modèles ont été développés et sont toujours appliqués à différentes échelles allant de l’échelle microscopique (LBIOS et MOSAIC), à l’échelle de la parcelle (CERES-EGC, STICS, Cantis, plate-forme NCil Sol, SoilV) et passant par l’échelle régionale et globale (CERES). -France, Farmsim), y compris l’échelle du paysage (Nitroscape).

Ce thème est lié à d’autres thèmes structurants au sein d’ECOSYS. L'interaction avec l'étude des échanges de contaminants (O3, NH3, COV, aérosols) est étroitement liée au thème «Exposition et effets des contaminants dans les agro-écosystèmes». Il existe également un lien avec le thème «Diversité de la parcelle au paysage pour un agro-écosystème résilient ayant un impact limité», car l’échelle du paysage est l’échelle clé pour la mise en œuvre de nouvelles pratiques de gestion, prenant en compte les interactions entre le changement climatique, la gestion des plantes et des parasites et comprendre la gestion résiliente. Enfin, il existe également un lien vers le thème «Gestion, production et recyclage de biomasses à des fins multiples» grâce à l'impact de différents ajouts de matière organique sur les stocks de COS et les émissions de GES.

Le plan d’action de ce thème structurant s’appuiera fortement sur les interactions entre les équipes Eco&Phy et Sol, en particulier en ce qui concerne les stocks de SOC, la modélisation du couplage et de l’intégration. Plusieurs projets récemment lancés et des doctorats ainsi que des projets en construction contribueront à répondre à certaines des questions scientifiques soulevées. Nous compterons sur :

  • Le travail d'un chercheur récemment recruté, axé sur la contribution des systèmes racinaires à la dynamique SOC,
  • Notre participation au projet RESCEUEGAS FACCE-JPI ainsi qu’au volet PhD de RESIDUEGAS, qui contribuera à améliorer notre compréhension des émissions d’azote gazeux résultant de la décomposition des résidus dans les sols.
  • Notre participation à «l'Institut de convergence» du CLAND et notre implication dans le défi «atténuation climatique du climat terrestre» avec deux projets de doctorat co-supervisés par ECOSYS et qui devraient commencer à l'automne 2018 pour l'un et à l'automne 2019 pour le second.
  • Plusieurs projets nouvellement lancés financés par l'ANR ou l'ADEME (STORESOIL, SEMOIRS, PROTERR).

Date de modification : 10 octobre 2023 | Date de création : 17 juillet 2019 | Rédaction : Sophie Formisano